France Culture, De cause à effets, le magazine de l'environnement, Le bio dans tous ses états !, Aurélie Luneau, 30 octobre 2016.
20 novembre 2016
La nourriture qui échappe aux pauvres
...une intervention de Marc Dufumier, petite pépite dénichée
dans une émission consacré au bio le 30 octobre dernier :
Aurélie Luneau : « Une agriculture
bio est-elle juste un doux rêve ou une réalité future pour nourrir la
planète, aujourd'hui 7,3 milliards d'habitants, demain 9,5 milliards à
horizon 2050 ? »
Marc Dufumier : « Oui exactement il faudra nourrir une population croissante. »AL : « Est-ce qu'une agriculture bio demain peut envisager de nourrir la planète ? »
MD : « La réponse est catégorique :
oui, c'est parfaitement possible. Figurez-vous que dans notre
alimentation on a besoin d'énergie, les kilocalories, de protéines, de
vitamines, de minéraux, de fibres, d'antioxydants. La première nécessité
est quand même l'énergie alimentaire, on en a impérativement besoin, et
ça nous vient du soleil, pas de pénurie annoncée des rayons du soleil
avant un milliard et demi d'années donc soyez sans crainte. Si vous
faîtes une agriculture avec une couverture végétale la plus totale, la
plus permanente, les rayons du soleil tombent sur des feuilles, et la
feuille transforme cette énergie solaire en énergie alimentaire, c'est
gagné. Cette énergie, on appelle ça sucre, on l’appelle amidon, on
l’appelle lipides, ce sont les hydrates de carbone. La plante trouve le
carbone dans le gaz carbonique de l'atmosphère. Y a-t-il pénurie de gaz
carbonique ? Non c'est un gaz pléthorique, c'est un gaz à effet de
serre. L'agriculture intensive qui ferait un usage intensif de ce gaz
carbonique, la plante prend le carbone, libère l'oxygène pour nos
poumons, fabrique du sucre, de l'amidon, des lipides, et pourquoi pas de
la paille, de l'humus, je suis vraiment pour. On a besoin de protéines,
alors quand même juste petite difficulté, c'est la gestion de l'eau qui
fait que la plante, parce qu'il faut qu'elle transpire pour pouvoir par
les petits trous par lesquels elle transpire, intercepter le gaz
carbonique. C'est donc la gestion de l'eau qui est effectivement un des
aspects les plus importants en termes techniques. Et les protéines, ce
sont les hydrates de carbone, auxquels on ajoute de l'azote, l'azote
vient de l'air, 79% de l'azote dans l'air, pas de pénurie annoncée avant
des siècles, mais rajouter de l'azote pour fabriquer des protéines,
c'est coûteux en énergie. Là l'agriculture industrielle utilise des
engrais de synthèse coûteux en énergie fossile, et l'agriculture
biologique utilise ces fameuses plantes de l'ordre des légumineuses qui
sont capables en circuit court, ce sont des microbes qui les aident à
faire ça, d'intercepter l'azote de l'air, de fabriquer des protéines, de
fertiliser le sol en azote, c'est-à-dire que les cultures qui vont
suivre après, dans la rotation et l'assolement, seront ainsi fertilisées
en azote. Vous voyez que cette agriculture biologique est savante et
diversifiée, c'est elle aussi qui va accueillir les coccinelles, les
abeilles, les mésanges pour neutraliser les larves de carpocapse. C'est
une agriculture hyper-savante qui nous permet de nourrir une population
croissante, de façon saine, sans aucun problème. La question de
l'alimentation dans le monde n'est déjà pas aujourd'hui un problème de
la disponibilité des nourritures, c'est une question de pouvoir d'achat.
Les gens ne parviennent pas à acheter une nourriture qui pourtant
existe. Et cette nourriture excédentaire que nous avons aujourd'hui dans
le monde est gaspillée par certains, elle sert à nourrir des animaux en
surnombre par d'autres et de plus en plus elle sert à abreuver des
voitures en éthanol, en diesel, en agrocarburant. Il y a de la
nourriture qui échappe à des pauvres, qui est achetée par plus riches
pour en faire du gaspillage, nourrir les cochons, ou abreuver les
voitures. »